Editeur : Editions ZOE
Genre : Littérature canadienne
Parution : 07 Septembre 2017 - 256 pages
Ma note :
Saul, un indien Ojibwé, se trouve dans un centre de désintoxication. On lui demande de retracer son histoire. C'est ainsi qu'il décrit son enfance dans un camp indien auprès des siens et son arrivée très jeune dans un internat religieux qui l'a marqué à vie. Puis il raconte la découverte du hockey sur glace qui l'a amené à quitter ce lieu sordide pour jouer dans les plus grandes équipes du Canada.
" Ces gens, ici, veulent que je raconte mon histoire. Ils disent que je ne peux comprendre où je vais si je ne comprends pas où j'étais avant. D'après eux, les réponses sont en moi. En racontant nos histoires, nous, buveurs invétérés de mon espèce, nous pouvons nous libérer de la bouteille et de la vie qui nous a menés là."
Mon ressenti :
Avec la lecture de ce livre, je découvre pour la première fois l'écriture de Richard Wagamese, un des principaux écrivains indigènes du Canada. "Jeu blanc", écrit en 2012, a seulement été traduit et publié en France en 2017 par la maison d'éditions suisse ZOE. L'auteur y décrit les conséquences tragiques résultant de "la rafle des années 1960", une réalité historique canadienne qui consistait à retirer agressivement les enfants indiens de leurs habitations pour les placer dans des pensionnats religieux afin de les éduquer, de couper tout lien avec leurs origines et de les évangéliser. Richard Wagamese parle d'un fait qui lui tient à cœur dans la mesure où ses parents y ont été placés et en sont ressortis avec des traumatismes qu'ils ont gardés toute leur vie.
Saul Indian Horse grandit dans la nature au nord de l'Ontario avec ses parents, son frère et sa sœur, sa grand-mère et ses oncles et tantes. Il est très proche de sa grand-mère qui lui apprend les légendes indiennes, les chants et la culture des siens. Le camp vit essentiellement de la chasse, de la pêche et de la récolte du riz. Malgré les conditions climatiques qui peuvent être rudes, le peuple Ojibwé semble heureux. Seulement, dans les années 1960-1970, les "blancs" n'ont pas l'intention de les laisser vivre différemment. Régulièrement, ils arrivent à proximité des camps par barque et kidnappent les enfants pour les conduire dans les pensionnats d'indiens destinés à leur donner une éducation, leur apprendre à lire et à écrire en anglais et surtout leur faire oublier les coutumes en les obligeant à réciter durant des heures les prières catholiques. Des châtiments corporels et psychologiques sont infligés aux récalcitrants. Déracinés, éloignés des leurs alors qu'ils sont si jeunes, beaucoup d'enfants ont connu des violences et des abus. Certains des pensionnaires mourraient des châtiments et se suicidaient, d'autres ont dû être internés dans des asiles psychiatriques.
"Ils m'emmenèrent dans un pensionnat, au St. Jerome's Indian Residential school. Une fois j'avais lu qu'il y avait dans l'univers des trous qui avalaient toute la lumière, tous les corps. St. Jerome's vola toute la lumière de mon monde. Tout ce que je connaissais s'évanouit derrière moi...".
Saul arrive dans ce lieu à l'âge de huit ans et trouvera son salut grâce à un sport, le hockey sur glace, qu'un prêtre passionné lui fera connaître. Très vite il devient un très bon joueur. Il pourra alors quitter le pensionnat en rejoignant une équipe autochtone et retrouver la vie dans une réserve d'indiens. Plus tard, il sera repéré par un recruteur et intégrera une des plus grande équipe du pays. Malgré cela, cet espoir retrouvé sera de courte durée...
"Quand je laçais les patins, mes doigts tremblaient en fait. Pas de froid, mais de savoir que la liberté était imminente, que l'envol était à ma portée. Je flottais sur la scène d'un blanc de neige dans un monologue de grâce et de mouvement."
Abordant les thèmes du déracinement, du racisme, de la méchanceté et de la reconstruction, Richard Wagamese a voulu parler des traumatismes subis pas les siens dans ces pensionnats et les conséquences qui ont suivi à l'âge adulte comme l'alcoolisme et la difficulté des indiens à pouvoir élever et aimer leurs propres enfants.
"Jeu blanc" est un livre profond et marquant. Les événements durs sont racontés simplement et sans agressivité, ni rancœur. Au contraire, l'écriture est douce. Des descriptions sont pleines de poésie.
Un livre bouleversant, touchant et humain.
L'auteur :
Richard Wagamese est né en 1955 et est décédé le 11 mars 2017. Il mène la vie Ojibwé dans une communauté auprès de sa famille. Lorsque ses parents sombrent dans l'alcoolisme, il est placé à l'âge de trois ans à l'aide sociale à l'enfance et sera placé dans plusieurs familles d'accueil. A seize ans, il vit dans la rue et connaît à son tour l'alcoolisme puis la toxicomanie et la prison. Plus tard, il commence son éducation littéraire tout seul en passant ses journées à lire dans les bibliothèques. Il trouve un premier emploi de journaliste en 1979 où il rédige des chroniques pour le "Calgary Herald". En 1991, il devient le premier auteur autochtone à remporter le National Magazine Award.
Il écrit un certain nombre de romans dont "The Keeper'n Me" en 1994, un roman dans lequel il parle de la culture Ojibwé, récompensé par le Prix Writer's Guild of Alberta. Seules deux de ses œuvres seront traduites et publiées en France :
- "Les étoiles s'éteignent à l'aube", publiée en France en 2016
- "Jeu blanc" (en 2012) publiée en France en 2017.
Richard Wagamese est lauréat du Prix national de réussite indigène pour les médias et les communications en 2012 et du prix du Conseil canadien des arts en 2013, il reçoit le titre de "docteur ès lettres honoris causa" à la Thompson Rivers University de Thunder Bay en 2014.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire