Auteur : Catherine Bardon
Editeur : Editions Les Escales
Genre : Littérature française, contemporaine
Parution : 03 Mai 2018 - 674 pages
COUP DE COEUR 💗
Vienne, 1932.
Wilhelm Rosenheck, jeune journaliste, et Almah Kahn, dentiste, se rencontrent lors d'une soirée chez des amis. Ils sont jeunes, beaux, ont tout l'avenir devant eux. Ils tombent amoureux, se revoient et se marient. Nous sommes alors dans une Autriche culturellement riche. Y vivent de nombreux artistes et intellectuels.
Cependant, à la fin des années 1930, une menace plane sur l'Europe en la personne d'un homme, Adolf Hitler, et de son idéologie, le nazisme. La vie de millions de personnes va basculer dans l'horreur.
"Je ne me sentais pas juif, mais simplement et profondément autrichien. J'étais né dans cette ville, comme mon père et ma mère avant moi. C'était mon univers, dans lequel je me sentais en confiance et en sécurité, et qui devait durer éternellement. L'Autriche était ma patrie, et être juif n'avait pas plus d'importance qu'être né brun ou blond. Bien sûr nous étions juifs, mais notre origine ne se manifestait guère plus d'une fois par an ... Malgré les signaux d'alerte qui ne cessaient de se multiplier, nous nous raisonnions : nous étions si nombreux, quelque 180 000 rien qu'à Vienne, et tant de juifs occupaient des positions clés dans l'économie et la culture. Nous étions héros de guerre, artistes, scientifiques, universitaires, médecins, notre pays ne pouvait se passer de nous."
Les choses se compliquent lorsque l'armée allemande entre en Autriche. Le président démissionne. Certains prennent la fuite vers les Etats-Unis. Les autres restent en pensant qu'il ne leur arrivera rien. Dans la famille de Wilhelm, l'entreprise familiale est prospère. Les Rosenheck font partie de la bonne société viennoise. Dans la famille d'Almah, on est médecin de père en fille. Les Kahn font partie de l'élite intellectuelle. Les deux familles ont toujours travaillé dur et sont socialement intégrées.
Rapidement, la situation devient tendue. La population juive est montrée du doigt, peu importe le milieu social et lorsque l'on comprend qu'il faut fuir, il est trop tard.
"Nous cristallisons désormais l'hostilité de nos compatriotes, un rejet presque unanime que rien ne justifiait. A cause de nos racines, ils nous amalgamaient en une masse qui gommait nos individualités et anéantissait nos existences."
Nous sommes alors en 1939 et beaucoup essaient de rejoindre la Suisse. C'est le cas de Wilhelm et d'Almah. Placés dans un camp de réfugiés, ils apprennent que les américains ne laissent plus personne entrer. Les quotas sont atteints. On leur propose alors une autre solution.
Trujillo, dictateur dominicain, offre 100 000 visas aux juifs pour venir s'installer sur son île. Il n'y a pas à réfléchir longtemps. Ils n'ont plus rien à perdre. C'est une question de survie.
Catherine Bardon nous raconte ce pan de l'histoire peu connu : l'exode de milliers de juifs allemands et autrichiens en République Dominicaine durant la deuxième Guerre Mondiale.
Quelle lecture ! Ce texte est historiquement passionnant tant sur les évènements tragiques que nous connaissons tous, mais aussi sur le prestige de l'Autriche dans les années 1920 et 1930.
Puis, cette fuite dans les Caraïbes, terre d'espoir, et crainte de l'inconnu.
Là-bas, on découvre une nouvelle façon de vivre, une population aux mœurs et coutumes différentes. Tout est à construire.
"Pas un arbre, pas un buisson, pas une fleur, juste un tapis fin d'herbe grise de poussière. L'endroit était désert. Juste ces baraques de bois brut qui avaient tout du camp d'internement. On était bien loin de l'éden tropical promis."
"Les déracinés" est le premier tome d'une magnifique fresque familiale dont le quatrième vient de paraître en librairie. Un récit coup de cœur, addictif, très bien écrit mais aussi grâce à ses personnages forts et intéressants.
"Et les nôtres sont des Juifs déracinés, génération après génération, n'ayant pu faire souche dans aucun des pays qu'ils traversaient."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire